Structuration d’une entreprise : pourquoi l’égalité entre associés n’est pas toujours la meilleure option ?
- Pauline Koch
- il y a 3 jours
- 5 min de lecture
Bien que l'égalité entre associés puisse sembler la solution la plus équitable au départ, un partage à 50/50 peut rapidement devenir un obstacle lorsqu'il s'agit de prendre des décisions cruciales. L'apparente justice de cette égalité n'est pas toujours bénéfique pour la gestion de l'entreprise, et une structuration adaptée est essentielle pour éviter les blocages décisionnels.
Dans cet article, je vous explique pourquoi et comment structurer votre entreprise pour éviter ces blocages.
Le modèle 50/50 : une solution idéale à condition de bien anticiper
Lorsque deux amis se retrouvent autour d’une idée et décident d’en faire une entreprise, ils choisissent généralement de se répartir le capital de manière équitable, 50% pour chacun. Or, équité ne rime pas toujours avec succès, en particulier lorsque les décisions stratégiques doivent être prises rapidement et qu’aucun des associés ne peut trancher.
Prenons un exemple classique : deux amis décident de créer une société par actions simplifiée au capital de 1.000 euros, divisé en 1.000 actions de même catégorie, chacun en détenant 500. L’un est Président, l’autre est Directeur Général. Ils ont les mêmes pouvoirs et les mêmes droits de représentation de la Société vis-à-vis des tiers.
Tant que l’entente règne, l’organisation fonctionne sans heurts. Mais que se passe-t-il en cas de désaccord, voire de conflit ? La société se retrouve paralysée, incapable d’avancer, car aucun des deux associés ne peut décider sans l’accord de l’autre.
Des blocages dès l’assemblée générale
Avec une répartition à 50/50, la tenue d’une assemblée générale peut devenir impossible dès lors que les associés s’opposent. Chacun disposant de 50 % des droits de vote, aucune majorité ne peut être dégagée.
Résultat : même les décisions courantes — comme l’approbation des comptes annuels — ne peuvent plus être adoptées, entravant le bon fonctionnement de la société.
Quant aux décisions plus importantes, relevant de l’assemblée extraordinaire (augmentation de capital, modification des statuts, etc.), elles deviennent tout simplement inaccessibles. Aucun investissement, aucun recrutement stratégique ne peut être validé.
La société se retrouve alors dans une impasse totale, paralysée pendant des semaines, voire des mois, faute de pouvoir avancer sur les sujets essentiels.
Un conflit durable peut s’installer
À mesure que les désaccords s’accumulent, les tensions entre les associés s’intensifient. Ce qui n’était au départ qu’un blocage ponctuel peut rapidement se transformer en un véritable rapport de force. Le conflit juridique glisse alors vers un conflit personnel, souvent plus difficile à désamorcer.
Dans ce contexte, c’est la continuité même de la société qui est en péril.
Une société à la dérive : des conséquences concrètes
Privée de gouvernance claire et d’assemblée générale fonctionnelle, la société devient un navire sans capitaine. Elle dérive, sans cap ni gouvernail.
Dans ce contexte, difficile d’inspirer confiance. Les investisseurs hésitent, les financements se font rares, et les talents stratégiques ne souhaitent pas s’associer à une structure instable. Même les prestataires peuvent prendre leurs distances, par crainte d’impayés ou d’une atteinte à leur propre réputation.
Les deux associés se retrouvent dans une impasse. Chacun détient 50 %, mais cette égalité empêche toute avancée, mettant en péril l’avenir même de leur projet.
Des répercussions possibles sur les filiales
Lorsque la société en difficulté détient des participations majoritaires dans d’autres entités, en France ou à l’étranger, le blocage ne s’arrête pas à son seul périmètre. La paralysie peut alors s’étendre à tout le groupe : les filiales se retrouvent à leurs tours impactées, leurs gouvernances freinées, leurs activités fragilisées — voire, dans certains cas, mises en péril.
Des erreurs à éviter aux solutions à adopter
Lors de la création d’une entreprise, la tentation est grande de choisir une structure juridique simple et rapide à mettre en place. Cependant, certaines erreurs peuvent avoir des conséquences majeures sur la gestion future de l’entreprise. Que ce soit dans la répartition des pouvoirs, la rédaction des statuts ou du pacte d’associés, une mauvaise structuration peut rapidement créer des tensions et des blocages. Il est donc essentiel de bien anticiper ces aspects pour garantir une gestion sereine et fluide dès le départ.
De la confiance à la formalisation : un passage essentiel
Lorsqu’un projet naît de l’amitié, il est tentant de faire l’impasse sur les aspects juridiques, en pensant que la bonne volonté suffira à résoudre les conflits. Pourtant, ne pas formaliser les rôles et responsabilités de chaque associé expose l’entreprise à des blocages lorsque les désaccords surgissent. Une bonne structuration dès le départ permet non seulement de prévenir ces tensions, mais aussi de poser des bases solides pour une gestion sereine et un partage équitable des pouvoirs en cas de crise.
Ainsi, dès la création d’une société à 50/50, il est essentiel, en complément des statuts, de formaliser tous les accords entre associés dans un pacte d’associés.
Ce pacte a pour objectif d’organiser la gouvernance de la société, mais aussi de définir clairement les droits et obligations de chaque associé en cas de transfert de titres, de sortie ou de blocage.
Afin de protéger vos intérêts et garantir une rédaction conforme à vos besoins, il est fortement conseillé de vous faire accompagner par un professionnel.
Clauses de sortie : des outils pour éviter l’impasse
L'absence de clauses de sortie ou de mécanismes de résolution des blocages peut mener à un conflit interminable, souvent au détriment de la société elle-même. Si aucun des associés ne souhaite quitter l’entreprise et que les décisions restent paralysées, la situation peut s’enliser.
Il est donc essentiel de prévoir des clauses de sortie et de résolution des situations de blocage dans un pacte d’associés dès la création d’une société détenue à 50/50. Cela permet de garantir que l’entreprise puisse continuer à fonctionner, même en cas de désaccord profond.
Il existe plusieurs types de clauses qui permettent d’anticiper des situations sensibles et d’éviter que l’entreprise ne se retrouve paralysée (à titre d’illustrations : une clause de sortie anticipée, une clause de médiation ou une clause dite « buy or sell »). Leur mise en place doit être soigneusement pensée avec l’aide d’un professionnel.
Adapter la gouvernance à la réalité de l’entreprise
Ne pas établir de structure de gouvernance claire dès le départ est une erreur courante, notamment dans les start-ups.
Pourtant, une gouvernance bien définie est essentielle pour éviter les blocages dans une société détenue à 50/50. Cela permet de réduire les risques de paralysie décisionnelle en cas de divergence entre associés.
C’est en définissant clairement les rôles de chacun et en structurant la gouvernance de manière solide qu’on assure la pérennité et la stabilité de l’entreprise sur le long terme.
Pour éviter que des blocages ne freinent la gestion courante de l’entreprise, il est fortement recommandé d’instaurer un comité exécutif, de préférence composé d’un nombre impair de membres. Cette structure permet de garantir qu’une majorité décisionnelle puisse être rapidement atteinte, même en cas de désaccord entre les associés.
Conclusion
Créer une société à 50/50 peut être une excellente idée, incarnant un véritable partenariat.
Cependant, cette égalité doit être accompagnée d’une structuration rigoureuse pour garantir la pérennité de la société. Dès la création, il est primordial d’anticiper les éventuels blocages ou désaccords en formalisant un pacte d’associés solide, incluant des clauses de sortie et des mécanismes de résolution des conflits.
Ainsi, avec une préparation adéquate et l’accompagnement d’un professionnel, la société pourra se concentrer sur son développement, tout en se prémunissant des risques liés aux conflits internes.
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